Déclaration de la mission du FMI sur les politiques mises en œuvre dans la zone euro

le 9 juin 2009

La déclaration de fin de mission résume les constats préliminaires effectués par les représentants du FMI à l’issue de certaines missions (visites officielles, dans la plupart des cas dans les pays membres). Ces missions s’inscrivent dans le cadre des consultations périodiques (en général annuelles)au titre de l’Article IV des Statuts du FMI, ou sont organisées lorsqu’un pays demande à utiliser les ressources du FMI (à lui emprunter des fonds), ou encore dans le contexte des discussions sur les programmes suivis par le services du FMI, ou d’autres exercices de suivi de la situation économique.

(Consultations de 2009 au titre de l’article IV avec les pays de la zone euro)
le 8 juin 2009

1. Pour affermir la reprise et le retour à une croissance endogène, des mesures plus décisives doivent être prises, en particulier dans le secteur financier. La zone euro, en proie à la récession, présente des signes de redressement qui doivent encore se transformer en une reprise de l’activité. L’arsenal de mesures déployé pour juguler la crise est vaste, allant de l’engagement d’importantes ressources publiques pour les interventions dans le système financier, au desserrement monétaire et à des politiques de relance budgétaire ad hoc. Il manque cependant un élément clé, c’est-à-dire une stratégie dynamique visant à fortifier un système financier affaibli, passant par un bilan du volume de capitaux nécessaire pour gérer la récession, l’assainissement du système financier par l’élimination des actifs compromis et la restructuration des institutions moribondes. Il s’agit de mettre immédiatement à profit la dynamique de réforme des dispositifs de stabilisation financière européens enclenchée par la crise pour accroître les efforts visant à assurer la viabilité des finances publiques et la mise en œuvre des réformes structurelles, celles-ci étant essentielles pour rétablir un potentiel de croissance en déclin. Une meilleure coordination des politiques mises en œuvre au niveau sectoriel et national, y compris l’appui aux pays émergents voisins contribuerait fortement au rétablissement de la confiance à l’égard de l’économie européenne.

Perspectives : une reprise incertaine

2. Après une très forte contraction de l’activité économique, des signes d’amélioration apparaissent. La zone euro a été durement frappée par l’effondrement des échanges commerciaux qui a suivi les turbulences des marchés financiers internationaux, exacerbé par la correction des déséquilibres endogènes dans certains pays. Ceci a entraîné un double effet de répercussion : l’un transfrontalier dû à la forte intégration financière et commerciale des pays européens et l’autre entre le secteur financier et l’économie réelle, la récession s’ajoutant à présent aux difficultés du secteur financier. Les prêts bancaires restent faibles et les conditions de financement assez contraignantes mais l’accès des entreprises aux marchés de capitaux s’est amélioré. Les indicateurs prospectifs se redressent et la baisse des indicateurs de l’activité économique ralentit. Au total, la baisse de l’activité devrait ralentir sur le reste de l’année 2009 pour aboutir à une légère reprise à partir du premier semestre 2010.

3. La reprise risque d’être lente d’autant que sa forme et son calendrier restent très incertains. La poursuite de la réduction des effets de levier, de la restructuration des entreprises et de la hausse du chômage pèseront sur la demande intérieure. La correction des déséquilibres mondiaux et la relative robustesse du taux de change limiteront l’apport qui pourrait provenir de l’extérieur. Toutefois, le bas niveau des inventaires, la part de la demande non satisfaite et le poursuite de la baisse du loyer de l’argent pourraient susciter un rebond anticipé de l’activité économique. Toutefois, la persistance de rigidités sur les marchés du travail et des produits de la zone euro, la fragilité des bilans du secteur privé dans certains pays et le rôle accru du secteur public risquent de peser sur le potentiel de croissance à moyen terme. Les risques résiduels de dégradation sont liés au secteur financier et aux préoccupations qui entourent la solvabilité des entités publiques et les effets de contagion transfrontières.

4. La zone euro est confrontée à de fortes pressions déflationnistes. Surtout due à l’effondrement des cours des produits de base mais aussi à la forte contraction de l’activité économique, l’inflation nominale est tombée à des niveaux extrêmement bas et devrait être négative vers la mi-2009. Elle devrait repartir ensuite à la hausse mais resterait inférieure pendant un certain temps, au niveau de stabilité des prix défini par la BCE. Le risque de déflation, peu significatif, est faible en raison des politiques macroéconomiques d’appui, des rigidités nominales et du récent redressement des cours des produits de base. Il importe de signaler que les attentes relatives à l’inflation sont restées bien ancrées jusqu’à présent. Il n’empêche que la récente appréciation de l’euro associée aux écarts de production importants et croissants, affaiblira la capacité à faire accepter les prix aux consommateurs. Dans ces conditions, d’autres effets de répercussion négatifs du secteur financier au le secteur réel pourraient provoquer une déflation prolongée.

Secteur financier : rétablir un fonctionnement normal

5. Le secteur financier détient la clé de la forme et de la robustesse de la reprise. Les mesures sans précédent prises par les décideurs ont contribué à stabiliser le système bancaire. Mais des tensions persistent, les conditions d’accès au crédit bancaire sont restrictives, les coûts de financement restent élevés et certains pans des marchés financiers fonctionnent mal. En outre, la récession peut susciter des pertes plus importantes encore. Le système financier est donc contraint de jouer son rôle crucial d’intermédiation dans des conditions difficiles.

6. Des mesures décisives et concertées d’assainissement du système bancaire s’imposent absolument pour rétablir la confiance envers le système financier. L’Europe peut difficilement se permettre une démarche fragmentée qui ne fait que prolonger l’incertitude, marginalisant les investisseurs privés et permettant aux pouvoirs publics de peser sur l’efficience globale du secteur. La situation financière des banques doit faire l’objet d’un réexamen complet pour mesurer leurs besoins de recapitalisation et leur viabilité. Outre l’identification des actifs compromis, une évaluation prospective devrait permettre de mesurer l’impact de la récession actuelle sur les niveaux de fonds propres. Qui plus est, cette revue doit aboutir à des mesures de suivi incluant la diffusion d’informations financières, la recapitalisation et, si besoin est, la restructuration ou la fermeture d’établissements financiers. Il est indispensable de réduire les coûts budgétaires, de contenir les effets pervers et de garantir la transparence du processus pour garantir la légitimité des mesures prises. Ce faisant, les principes de gestion de crise convenus précédemment par l’ECOFIN devront être respectés en veillant à une coordination totale entre les pays d’accueil et d’origine, y compris en ce qui concerne les pays émergents de la région. Si les organes de supervision nationaux doivent être aux avant-postes, les institutions européennes devront aussi jouer leur rôle d’harmonisation des paramètres du processus — s’agissant en particulier de l’environnement macroéconomique, de la définition des fonds propres et des méthodes de valorisation — pour éviter les distorsions entre pays, veiller à la synchronisation et au respect du calendrier, et éviter toute sortie inefficiente et désordonnée des interventions gouvernementales.

7. La mise en place ou l’amélioration des régimes de résolution des situations d’institutions financières en difficulté est vitale. Dans les conditions actuelles, nombre de pays européens sont confrontés à des choix difficiles face aux institutions financières non viables : dépôts de bilan désordonnées et coûteux ou renflouement grâce aux deniers publics. Il y a lieu d’élargir la panoplie d’instruments à cet effet — si nécessaire par une revue des dispositifs légaux en vigueur — pour permettre aux autorités nationales de prendre à temps le contrôle des institutions financières en difficulté et de mettre en œuvre les mesures de règlement requises. Pour éviter des situations de blocage, la mise en œuvre de ce types de mesures ne devrait pas être subordonné au consentement préalable des actionnaires ou créanciers, mais être soumis à un examen judiciaire a posteriori.

8. Il y a lieu de tirer pleinement parti de la dynamique de refonte des dispositifs de stabilité financière de l’Union européenne que la crise a renforcé. Les propositions de la Commission visant à donner suite aux recommandations du Comité de Larosière devraient être appliquées avec un chronogramme ambitieux. Il sera indispensable de donner des moyens adéquats et de garantir l’indépendance — allant de pair avec une obligation de rendre compte de leur action — des nouvelles structures tout en veillant à la communication complète d’informations entre les superviseurs et les banques centrales au sein de ces structures. Le banques centrales devront jouer un véritable rôle moteur au sein du Conseil européen de gestion des risques systémiques qui devra disposer d’un large mandat pour déclencher des signaux d’alerte précoce face à toute accumulation de risque systémique et recommander des mesures correctrices. Comme le propose la Commission, le système européen des contrôleurs financiers devrait disposer de pouvoirs suffisamment coercitifs et d’un mécanisme de régulation efficient pour créer et gérer un corpus de règles unique. La création de collèges de superviseurs par groupes de pays avec la participation des autorités européennes aidera à affermir la confiance et à assurer le dialogue entre les organes de supervision. Parallèlement à ces réformes, l’UE doit s’inspirer de la feuille de route de gestion de la crise actuelle pour traiter les questions de résolution des crises et de répartition des charges à moyen terme et, ce faisant, asseoir le passeport unique sur des bases saines.

Politique monétaire : préserver la stabilité des prix

9. Dès le départ, la BCE a fait preuve d’une remarquable réactivité à la crise financière. Elle est à l’origine de l’injection de liquidité dans le système financier au moyen de mesures non conventionnelles d’envergure, convenablement ciblées sur le système bancaire, compte tenu de son rôle prépondérant dans la zone euro et, plus récemment, en apportant un appui au marché pour les obligations couvertes. S’il est vrai qu’elles aurait pu amorcer d’emblée une baisse plus rapide des taux d’intérêt, la BCE a depuis lors ramené ses taux directeurs à leurs plus bas niveaux. En raison de sa politique générale de nantissement et du déplafonnement de ses financements aux taux directeurs, notamment assortis d’échéances plus longues, le bilan de la BCE s’est considérablement étoffé. Ces opérations ont fortement réduit la prime de liquidité des marchés monétaires et contribué à ancrer les attentes inflationnistes dans un champ positif.

10. L’orientation monétaire accommodante doit être maintenue. La politique monétaire doit être axée sur le maintien de taux d’intérêt bas par la poursuite de financement à terme sans plafonds à taux fixe et à échéances plus longues, tant que les pressions déflationnistes se maintiendront. Si les risques d’inversion devaient s’accroître, un signal plus fort de maintien des taux d’intérêt à de bas niveaux serait nécessaire. Pour faire face aux imprévus, toutes les options non conventionnelles, y compris un desserrement actif du crédit devra demeurer à l’ordre du jour. L’éventualité de nouvelles réductions du taux directeur devra être appréciée au regard des possibles effets néfastes sur le fonctionnement des marchés monétaires mais il conviendrait d’envisager toute possibilité de nouvelles réductions dès que possible. Dans sa démarche, la BCE a pris soin de ménager une sortie ordonnée, affermissant ainsi la confiance en général.

Finances publiques : en garantir la viabilité

11. L’ancrage de la politique budgétaire à moyen terme est plus nécessaire que jamais. La politique budgétaire supporte la charge de la tâche ingrate d’avoir à fournir massivement des ressources publiques pour renflouer le système financier et amortir les effets du ralentissement de l’activité, tout en restant solvable et viable. Comment naviguer en terrain aussi périlleux?

• Face aux tensions actuelles des marchés financiers et au ralentissement de l’activité qui se profile, le maintien des appuis budgétaires à l’activité économique restera de mise jusqu’en 2010. Eu égard aux importants stabilisateurs automatiques de la zone euro, les mesures ad hoc prises actuellement semblent globalement adéquates, un supplément de relance n’étant pas à exclure en cas d’urgence.

• Pour renforcer l’efficacité et éviter les distorsions du marché unique, une coordination ex ante plus étroite des mesures budgétaires serait bénéfique. Les efforts budgétaires discrétionnaires doivent être adaptés à la situation des pays, ceux dont la position de départ est plus favorable en terme d’endettement et de déficits publics, de robustesse de leur système financier et de crédibilité de leurs cadres d’assainissement pouvant en prendre davantage que les autres. Dans le cadre de la revue à moyen terme engagée, un affinage des politiques budgétaires selon ces critères serait utile.

• Pour résoudre les problèmes de solvabilité, les mesures à court terme doivent s’inscrire dans des programmes d’assainissement à moyen terme crédibles, adossées à la mise en œuvre du Pace de stabilité et de croissance et accompagnées d’ajustements budgétaires annoncés à l’avance afin d’être appliquées dès que la reprise se sera enracinée. S’agissant du maintien des équilibres budgétaires à long terme, les institutions budgétaires nationales devraient renforcer l’appropriation des objectifs d’assainissement et accorder plus d’attention au point de départ de la dette et au coût prospectif du vieillissement de la population comme l’a proposé la Commission. Dans le même temps, la surveillance des progrès vers la réalisation des objectifs à moyen terme devra s’intensifier à l’échelle de l’UE et des pays membres.

Questions structurelles : renforcer le potentiel de redressement

12. L’intensification des réformes structurelles est crucial pour faire en sorte que la reprise en sortie de crise repose sur des bases solides. La crise financière a amoindri le potentiel de croissance, mis en péril l’assainissement et entraîné une contraction sans précédent des échanges. Les réformes prévues par l’agenda de Lisbonne ont porté leurs fruits mais il est indispensable de donner une nouvelle impulsion aux réformes structurelles pour éviter que la période d’atonie de la croissance ne perdure. Ainsi, les mesures prises pour soutenir la réduction de la durée de travail et l’augmentation des avantages sociaux — aussi importantes qu’elles soient pour accroître les revenus et maintenir la main d’œuvre sur le marché du travail — devraient être intrinsèquement réversibles. Eu égard à la restructuration économique qui devra être opérée, une attention accrue devra être accordée à la formation, à l’éducation et à leur adéquation aux besoins du marché de l’emploi. Enfin, l’application de la directive relative aux services, la relance de l’agenda de Lisbonne et la volonté de favoriser une conclusion ambitieuse et rapide du cycle de négociations de Doha contribueraient à asseoir la reprise de l’activité sur des bases solides.

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