Djibouti : mettre les nouvelles technologies et le commerce international au service d’une croissance inclusive
le 18 décembre 2017
Monsieur le Premier Ministre, Monsieur le Gouverneur, Mesdames et Messieurs les Ministres, Excellences, Mesdames et Messieurs,
Bonjour—As Salam Aleykom.
Permettez-moi de remercier le gouvernement de Djibouti de m’avoir invitée à ce dialogue de haut niveau autour d’une thématique importante : Comment mettre le commerce international et les nouvelles technologies au service d’une croissance inclusive.
Ces forces sont essentielles pour tous les pays, mais elles le sont plus particulièrement pour des petits États comme Djibouti, où, combinés ensemble, commerce et technologies peuvent jouer un rôle majeur dans sa transformation économique.
C’est la raison pour laquelle le commerce international et les nouvelles technologies sont au cœur de la stratégie de développement de Djibouti, intitulée Vision Djibouti 2035[1].
Les mots d’Émile Zola : « Savoir où l’on veut aller, c’est très bien ; mais il faut encore montrer qu’on y va »,[2] cités par le Président Guelleh lors du lancement de cette stratégie en 2014, raisonnent encore plus dans la conjoncture économique actuelle.
En effet, Djibouti peut montrer la voie. Pour cela, le pays doit se transformer en centre névralgique de commerce et de logistique pour l’ensemble de la région, s’inspirant ainsi de l’expérience d’autres économies portuaires et contribuant à l’essor économique de l’ensemble de la région de l’Afrique de l’Est, et au-delà.
Cette stratégie permettra aussi à Djibouti de réaliser son ambition de devenir un pays à revenu intermédiaire prospère, où tous ses citoyens pourront bénéficier des retombées de la croissance.
C’est dans cette perspective que Djibouti a investi massivement dans les infrastructures, avec de nouveaux ports et une nouvelle liaison ferroviaire avec l’Éthiopie. Ces investissements pourraient potentiellement doper les échanges commerciaux et transformer durablement l’économie djiboutienne. Mais comment ?
1. Exploiter le commerce international
Nous savons que l’ouverture au commerce international contribue à améliorer les niveaux de vie dans tous les pays. Pourquoi ? Parce que les consommateurs et les entreprises bénéficieront d’une baisse des prix et d’une plus grande variété de produits. Cet aspect est particulièrement important pour les consommateurs les plus modestes, qui, grâce aux échanges, vont avoir davantage accès à des produits importés bon-marché.
Nous savons également que le commerce international peut stimuler la productivité en offrant aux entreprises la possibilité d’adopter de nouvelles technologies et de nouveaux processus de production.
La bonne nouvelle est que les échanges commerciaux devraient croître de 4 % en 2018, grâce à l’accélération de la croissance globale.
Cela ouvre d’immenses perspectives pour Djibouti. En effet, les nouveaux ports permettront, par exemple, de capter une part plus conséquente des flux commerciaux mondiaux et régionaux. Ils contribueront également à l’amélioration de la productivité, grâce à leur haut niveau d’automatisation.
Mais ce n’est pas tout : l’objectif à long terme sera de s’orienter progressivement vers des services à forte valeur ajoutée afin de mieux profiter de la croissance du commerce mondial.
Ainsi, les activités de transbordement, de logistique de pointe mais aussi les services financiers et juridiques doivent prendre leur essor pour faire de Djibouti une plaque tournante du commerce régional.
Il faudra pour cela encourager un secteur privé fort et dynamique capable de créer plus d’emplois, réduire le taux de chômage encore très élevé, et combler les fortes inégalités. Ainsi, de meilleures perspectives s’offriront à la prochaine génération.
2. Exploiter les nouvelles technologies
Djibouti a également l’opportunité d’occuper une position unique, au carrefour des connexions internet mondiales, qui véhiculent un flux d’information considérable.
En effet, le Centre de Données (Data Center) du pays dispose d’un accès direct à tous les grands câbles internationaux et régionaux, et sert ainsi de passerelle vers l’Afrique de l’Est et au-delà.
Djibouti pourrait tirer parti de cette infrastructure numérique en hébergeant des équipements tiers[3], en établissant des points d’échange internet, ou encore en proposant des services de traitement de mégadonnées (big data). Cela permettrait à Djibouti de contribuer encore plus au développement économique et social de la région.
En effet, les pays de la région pourraient, grâce à un meilleur accès numérique, améliorer leur productivité en misant davantage sur l’internet dans les services financiers, la santé et l’administration.
Mais déjà à court terme, des gains de productivité considérables pourraient être réalisés si les entreprises et les collectivités disposaient d’un approvisionnement électrique fiable.
Ici à Djibouti, les énergies renouvelables devraient profiter de la récente libéralisation du secteur énergétique et de la nouvelle réglementation sur les partenariats public-privé.
Une grande centrale géothermique est en préparation, mais les investissements privés pourraient encore être plus importants, notamment dans l’énergie solaire.
Voilà quelques exemples de domaines dans lesquels Djibouti peut tirer parti des nouvelles technologies et du commerce international. Mais pour y arriver, des politiques d’accompagnement ambitieuses sont indispensables.
3. Créer un environnement propice
Comment Djibouti peut-il créer un environnement propice à la création d’entreprises et d’emplois ?
La stabilité au service de la prospérité : La mise en œuvre de politiques macroéconomiques saines est un premier axe de travail pour tous les pays. En effet, grâce à l’expansion des investissements, la croissance Djiboutienne à moyen terme reste soutenue—environ 7 %.
Cependant, le financement de ces investissements a entraîné une forte hausse de la dette publique, qui est passée de 50 % à 85 % du PIB.
Cet endettement commence à coûter cher au trésor public. Il est donc essentiel de le ramener sur une trajectoire soutenable afin de préserver la stabilité macroéconomique, et de protéger les dépenses sociales de santé et d’éducation.
Cela requiert de ralentir le rythme des emprunts publics et de renforcer la gestion de la dette. Des réformes fiscales sont aussi nécessaires pour accroître les recettes publiques. De même, le secteur privé devrait être davantage impliqué dans le financement et la gestion des projets d’infrastructure à venir.
Voilà des domaines dans lesquels le FMI soutient fortement Djibouti, en apportant conseils et assistance technique en matière de gestion des finances publiques, qu’il s’agisse de la politique fiscale, de gestion des dépenses ou du cadre budgétaire.
Ouvrir les perspectives de croissance : Un deuxième axe de travail consiste à améliorer le climat des affaires. Les autorités ont récemment enregistré des progrès remarquables dans l’allégement des formalités administratives. Cela devrait contribuer à libérer l’investissement privé.
Dans le même temps, rien n’est plus important que de combattre la corruption pour améliorer le climat des affaires. La stratégie de Djibouti dans ce domaine est claire : « la corruption est un fléau qui annihile les efforts de développement »[4].
Le gouvernement a avancé dans ce domaine avec l’adoption d’un nouveau code de gouvernance des entreprises publiques. L’application de ce code est cruciale, tout comme le renforcement des capacités de gestion et de supervision de ces entreprises.
En effet, une meilleure gouvernance des entreprises publiques bénéficierait à tous en réduisant le coût de l’eau, de l’électricité et des télécommunications. Cela changerait la donne pour le secteur privé, les collectivités et les citoyens.
Enfin, la promotion d’une croissance inclusive constitue un troisième axe de travail. L’étude menée par les équipes du FMI[5], que nous avons publiée il y a quelques jours, indique clairement qu’au cours des dix dernières années, la croissance à Djibouti a principalement bénéficié aux revenus les plus élevés.
Comment peut-on remédier à cela ? La hausse du nombre de femmes sur le marché du travail pourrait ici faire la différence, tout comme la fourniture d’une couverture santé aux couches les plus modestes de la société.
Il faudra aussi accroître l’investissement dans la formation et l’éducation afin de permettre aux travailleurs de développer leurs compétences et de prendre un emploi dans des entreprises à plus forte productivité.
Relever les défis du commerce international et des nouvelles technologies n’est pas aisé, toutefois, l’expérience d’autres économies portuaires montre que c’est possible. Des exemples récents, comme celui de Dubaï qui au cours des quarante dernières années a investi massivement dans les ports, le tourisme, les services financiers ainsi que dans les zones franches, ont montré les synergies apportées par une approche intégrée. Les autorités ont travaillé sans relâche pour améliorer le climat des affaires et promouvoir une croissance tirée par le secteur privé.
Cette transformation économique continue de captiver les décideurs politiques à travers le monde, mais il faut cependant aller au-delà de la fascination. Les pays comme Djibouti savent qu’il n’y a pas de recette miracle.
4. Conclusion
Le FMI, qui travaille en partenariat avec ses 189 pays membres, cherche à aider ces pays à répondre à l’évolution de leurs besoins grâce à ses analyses, ses conseils de politique économique, ainsi que ses concours financiers et la diffusion des bonnes pratiques. Il contribue ainsi à renforcer la capacité des pays à mettre en œuvre les politiques économiques adaptées aux objectifs de développement.
Comme l’a dit un jour le grand poète arabe Ahmed Shawqi : « Wama nylu almatalibi biltamanni », « Les vœux ne suffisent pas à l’accomplissement de nos desseins » [6].
Les décideurs d’aujourd’hui, ici à Djibouti et dans toute la région, seront mesurés à l’aune de leur capacité à exploiter le potentiel du commerce international et des nouvelles technologies.
En transformant les aspirations en action, les décideurs peuvent faire émerger des économies prospères où chacun trouvera la chance de s’épanouir.
Je me réjouis d’avance de notre discussion sur ces thèmes.
Choukran!
[2] Emile Zola, L’Argent, Paris, 1891.
[3] Il s’agit de centres de colocalisation.
[5] Document de travail des services du FMI (décembre 2017) : Djibouti : la recherche d’une croissance inclusive.
[6] وما نيل المطالب بالتمني
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