France: Conclusions de la mission de consultation de 2019 au titre de l’article IV *

le 3 juin 2019

Les conclusions décrivent les observations préliminaires des services du FMI au terme d'une visite (ou «mission») officielle, le plus souvent dans un pays membre. Les missions sont effectuées dans le cadre des consultations périodiques (généralement annuelles) au titre de l’Article IV des Statuts du FMI, d’une demande d’utilisation (emprunt) des ressources du FMI, des discussions sur les programmes de référence ou d’une autre forme de suivi de l'évolution économique.

Les autorités ont consenti à la publication des présentes conclusions. Les opinions exprimées dans ces conclusions sont celles des services du FMI et ne sont pas nécessairement celles du Conseil d'administration. Sur la base des observations préliminaires de cette mission, les services du FMI établiront un rapport qui, sous réserve de l'approbation de la direction, sera soumis à l'examen et à la décision du Conseil d'administration du FMI.

La croissance française a ralenti, mais elle reste résiliente et riche en emplois, en partie grâce aux réformes importantes qui ont été mises en œuvre ces dernières années sur le marché de l’emploi et en matière de fiscalité. Toutefois, les risques extérieurs ont augmenté, et les problèmes structurels persistent : une dette publique et privée élevée, un chômage structurel encore élevé, une croissance atone de la productivité, et des in égalités d’ opportunité. En s’appuyant sur l’agenda du gouvernement, l es réformes doivent continuer de s’attaquer à ces enjeux de long terme et de renforcer la résilience aux chocs. Un consensus social autour des réformes prioritaires est essentiel pour en assurer le succès, au profit de tous les citoyens et des générations futures. Les principaux domaines de réforme sont les suivants :

  • Préserver la viabilité des finances publiques et accroître l’efficience du secteur public : Si elles sont achevées et mises en œuvre de manière ambitieuse, les réformes qui sont prévues dans la fonction publique, les retraites et les allocations de chômage devraient renforcer l’équité, encourager le travail et générer des économies d’efficience. Des réformes supplémentaires des dépenses sont nécessaire pour assurer que la réduction en cours de la charge fiscale puisse s’inscrire dans la durée et que la dette publique soit placée sur une trajectoire clairement à la baisse.
  • Accroître l’emploi et la productivité : il est essentiel de mettre en œuvre de manière résolue les réformes récentes et à venir du marché du travail, en les complétant par une nouvelle libéralisation des marchés de produits et de services, afin de réduire le niveau élevé du chômage structurel et de favoriser une croissance durable et inclusive.
  • Continuer de renforcer la résilience du secteur financier : en s’appuyant sur les progrès importants qui ont été accomplis jusqu’à présent, les autorités doivent continuer de renforcer le contrôle et la surveillance des conglomérats financiers, de gérer de manière préventive les risques cycliques et d’assurer que les coussins de fonds propres et de liquidités soient suffisants face aux chocs.

Contexte et enjeux

Ces dernières années, les autorités ont promulgué des réformes importantes sur le marché du travail et en matière de fiscalité afin de soutenir l’investissement, l’emploi et la croissance. Cela a contribué à la résilience de l’économie en 2018, malgré un ralentissement de la croissance par rapport à 2017 dû à la fin de la reprise cyclique et au fléchissement de la demande extérieure. Le marché du travail a continué de s’améliorer : le taux d’emploi est au plus haut depuis 10 ans, les contrats à durée indéterminée ont augmenté et le taux de chômage a chuté à 8,7 % fin mars 2019.

Les perspectives restent positives, mais l’incertitude est élevée et les risques ont augmenté. La croissance devrait atteindre 1,3 % cette année et se stabiliser autour de 1,5 % à moyen terme, sur la base d’une reprise de la demande intérieure et extérieure, ainsi que des gains résultant des réformes récentes. Mais les risques ont augmenté, notamment ceux liés aux tensions commerciales, à l’issue incertaine du Brexit, à une reprise des tensions au sein de la zone euro, à une croissance plus faible que prévue en Europe et, en France, à l’érosion du soutien de la population aux réformes économiques nécessaires.

Un consensus social autour des réformes est nécessaire afin de s’attaquer aux défis économiques de long terme de la France et de renforcer la résilience aux chocs. Malgré une baisse du déficit budgétaire à 2,5 % du PIB l’an dernier, la dette publique demeure élevée et le ratio dépenses publiques/PIB reste le plus élevé d’Europe. Si les indicateurs agrégés d’inégalités et de pauvreté sont meilleurs que dans les pays comparables, le chômage structurel reste élevé, surtout pour les groupes vulnérables, le niveau de vie augmente faiblement et les inégalités d’opportunité persistent. La dette privée a également augmenté ces dernières années. Pour s’attaquer à ces problèmes, un effort soutenu doit être consenti, en s’appuyant sur le programme de réformes en cours du gouvernement.

Préserver la viabilité des finances publiques

La dette publique est trop élevée pour l’ignorer. S’il n’existe pas de risque immédiat, car le niveau actuellement bas des taux d’intérêt suggère qu’une dette plus élevée peut être tenable au stade actuel, le niveau élevé de la dette n’offre guère de quiétude dans une perspective à moyen et à long terme. En fait, la dette publique française est en hausse depuis les années 80 : elle est passée d’environ 20 % du PIB à l'époque à près de 100 % du PIB aujourd’hui, car les gouvernements successifs n’ont pas pleinement tiré parti des périodes d’expansion pour défaire les hausses de dépenses encourues pendant les phases de récession. L’évolution depuis la crise financière mondiale est conforme à cette tendance historique.

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Il est nécessaire de procéder à un effort budgétaire structurel ambitieux afin de placer la dette sur une trajectoire ferme à la baisse. Il est essentiel de réduire la dette pour constituer des coussins face aux chocs afin d’éviter un resserrement fiscal procyclique (qui pourrait affecter les groupes vulnérables de manière disproportionnée), tout en favorisant l’équité entre les générations. Un effort sur le solde budgétaire primaire structurel de quelque ½ % du PIB par an pendant la période 2020-23 pourrait réduire la dette de près de 10 % et porter le solde budgétaire structurel à son objectif à moyen terme d’ici 2023. Pour le budget de l’année prochaine, cela implique de prendre des mesures d’assainissement qui compensent les mesures d’allégement fiscal d’avril dernier et qui réduisent sensiblement le déficit.

Pour concilier les priorités du gouvernement et la réduction de la dette, il est nécessaire de consentir un effort considérable du côté des dépenses. Les autorités ont adopté et ont annoncé une réduction considérable des impôts à moyen terme afin de soutenir l’investissement, le pouvoir d’achat et la création d’emplois. Par ailleurs, elles ont l’intention d’augmenter l’investissement dans la mise à niveau des compétences des jeunes et des chômeurs de longue durée, la protection de l’environnement, ainsi que le numérique et l’innovation. Pour financer ces priorités tout en réduisant le déficit et la dette, il est nécessaire de rationaliser les dépenses publiques dans d’autres domaines et d’en accroître l’efficience. La maîtrise des dépenses en 2018 constitue, à cet égard, un pas dans la bonne direction.

L’achèvement et le renforcement des réformes prévues, ainsi que l’adoption de mesures supplémentaires, peuvent contribuer à la consolidation fiscale, tout en améliorant l’efficience et en accélérant la croissance à long terme :

  • La réforme de la fonction publique qui est prévue peut contribuer à rationaliser le secteur public, ainsi qu’à en améliorer la flexibilité et l’efficience, tout en préservant les services essentiels. Pour réaliser des économies à moyen terme, les autorités doivent viser une baisse ambitieuse des effectifs par attrition, en particulier au niveau des collectivités locales.
  • La réforme des retraites à venir, qui vise à consolider les régimes existants dans un régime unifié ayant des règles communes, améliorerait la transparence, l’efficience et l’équité du système. Pour préserver la viabilité à long terme, améliorer l’équité entre les générations, accroître le taux d’activité et réaliser des économies budgétaires, les autorités devraient envisager d’accélérer le relèvement planifié de l’âge effectif de départ à la retraite et de le lier à l’espérance de vie.
  • La réforme des allocations de chômage qui est prévue pourrait produire des économies budgétaires à travers une révision des règles de calcul et de cumul des allocations, ainsi qu’une réduction du niveau de l’allocation maximale. Cela contribuerait aussi à améliorer l’équité du système et à inciter au travail.
  • Des réformes supplémentaires pourraient porter sur des domaines où les dépenses de la France sont élevées par rapport aux pays comparables, tout en en renforçant l’efficience et en en préservant le caractère redistributif. Il pourrait s’agir : i) de continuer de rationaliser les dépenses fiscales et les subventions dans certains domaines (transport, logement), ii) de réduire les coûts de la santé (produits médicaux, hôpitaux, centres de consultation externe), tout en protégeant la qualité des services de santé publique et les dépenses de recherche-développement, iii) d’améliorer l’allocation des dépenses d’éducation sur les différents niveaux (du secondaire au primaire, et au supérieur), et iv) de mieux cibler les prestations sociales et d’en réduire les coûts administratifs (famille, logement). La fusion de petites municipalités et l’élimination de doubles emplois entre les fonctions des collectivités locales et l’administration centrale pourraient aussi produire des gains d’efficience.

Favoriser une croissance inclusive

Le niveau élevé de chômage structurel et d’inégalité d’opportunités pèsent sur le niveau de vie. Le chômage en France demeure trop élevé, surtout pour les groupes vulnérables (jeunes, travailleurs peu qualifiés et immigrants non-européens) et dans certaines régions, ce qui crée des disparités dans la société. Par ailleurs, l’inégalité des opportunités sur le plan de l’éducation et de la formation entraîne une faible mobilité entre générations. Le gouvernement a, à juste titre, concentré en début de mandat des réformes structurelles qui visent à s’attaquer à ces problèmes et à accélérer la croissance à long terme.

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L’accent doit être mis sur l’implémentation intégrale des réformes récentes et prévues sur le marché du travail. Au cours de l’année écoulée, les autorités ont promulgué des réformes importantes en ce qui concerne le code du travail, ainsi que l’apprentissage et la formation professionnelle, ce qui devrait contribuer à assouplir le marché du travail et à accroître les opportunités offertes aux groupes vulnérables ; elles doivent maintenant s’atteler à les mettre en œuvre intégralement, notamment en facilitant l’extension des accords de branche, en parachevant l’application de formation électronique et en réglementant les centres de formation. La mise en œuvre de la réforme des allocations de chômage peut aussi encourager le travail. Les autorités doivent suivre de près les effets des réformes et être prêtes à les ajuster si les résultats sont inférieurs aux objectifs.

La poursuite de la libéralisation des marchés de produits et de services peut accroître la productivité et la résilience de l’économie. La mise en œuvre de la réforme récente du transport ferroviaire, la loi PACTE et les prochaines mesures de libéralisation des transports personnels (auto-écoles, pièces détachées) et de la vente en ligne de médicaments seront utiles pour intensifier la concurrence, ainsi qu’encourager l’entrepreneuriat et l’innovation. L’adoption de mesures supplémentaires qui aligneraient la France sur les meilleures pratiques en intensifiant la concurrence dans les professions réglementées (comptables, avocats, architectes), les ventes (pharmacies) et la distribution de détail (exigences en matière d’autorisation et d’inscription) favoriserait une baisse des prix et une augmentation de la productivité. La combinaison de réformes sur les marchés du travail et de produits peut contribuer à créer des synergies vertueuses et à accroître le niveau de vie.

Renforcer la résilience du système financier

Selon le programme d’évaluation du secteur financier (PESF) du FMI, des progrès importants ont été accomplis en ce qui concerne le renforcement du dispositif institutionnel et du cadre d’action à l’appui de stabilité financière. Parmi les avancées principales figurent l’unification de la surveillance et de la résolution dans le cadre européen, l’établissement du Haut Conseil de stabilité financière, ainsi que la mise en œuvre de la directive sur la résolution et la restructuration bancaires et de Solvabilité II. Par ailleurs, les banques ont amélioré leur position de capital et la qualité de leurs actifs, et les bilans des banques et des assureurs sont actuellement résilients aux scénarios de stress simulés.

Étant donné l’importance du système financier français pour le système mondial et sa complexité, le PESF a recensé trois priorités :

  • Poursuivre l’intégration du contrôle financier et de la surveillance au niveau des conglomérats : les grandes banques françaises sont d’importance systémique, actives à l’échelle mondiale et liées à des compagnies d’assurances et à des institutions de gestion d’actifs par le biais de structures de conglomérats financiers. Bien que contribuant à diversifier les modèles d’entreprise et les sources de revenus, cela alourdit la charge des autorités de contrôle et accroît les risques potentiels. L’établissement de directives, d’obligations d’information et de stress tests communs au niveau des conglomérats peut contribuer à ce que les risques soient rapidement détectés et palliés.
  • Gérer les risques cycliques de manière préventive : face à la hausse de la dette privée, en particulier des entreprises, les autorités ont pris des mesures préventives, notamment en réduisant le plafond de créances des entreprises endettées et en augmentant leur coussin contracyclique. Elles devraient évaluer l’efficacité de ces mesures, continuer à suivre les risques de près et être prêtes à prendre d’autres mesures macroprudentielles et microprudentielles si nécessaire, notamment un coussin pour risque systémique, d’autres mesures portant sur les fonds propres qui sont adaptées au niveau d’exposition au risque des entreprises ou un ajustement du coussin contracyclique de fonds propres. Une nouvelle réduction des avantages fiscaux prévus pour le financement par endettement plutôt que par fonds propres pourrait aussi contribuer à limiter l’endettement.

  • Maintenir un niveau adéquat de gestion des liquidités et des coussins de sécurité : bien que les coussins de liquidités agrégés des banques semblent adéquats, les autorités de contrôle pourraient envisager d’établir des coussins supplémentaires dans toutes les monnaies afin de réduire au minimum les risques liés à d’éventuelles perturbations du financement de marché en cas de chocs sévères. Les obligations en matière de gestion des risques de liquidité dans la bancassurance pourraient être davantage renforcées, et il est souhaitable d’établir des directives communes sur le plan du contrôle de la gestion des risques de liquidité au sein des conglomérats financiers, y compris pour les opérations de gestion d’actifs.

La mission remercie les autorités pour un dialogue constructif et pour leur aimable hospitalité.

* Cette version française du document a été mise à jour pour corriger une erreur de traduction.

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