France: Conclusions des services du FMI à l’issue de leur mission de 2020 au titre de l’article IV

le 2 novembre 2020

Ces déclarations décrivent les observations préliminaires des services du FMI au terme d'une visite (ou «mission») officielle, le plus souvent dans un pays membre. Les missions sont effectuées dans le cadre des consultations périodiques (généralement annuelles) au titre de l’article IV des Statuts du FMI, d’une demande d’utilisation (emprunt) des ressources du FMI, des entretiens sur les programmes de référence ou d’une autre forme de suivi de l'évolution économique des pays membres.

Les autorités ont consenti à la publication de la présente déclaration. Les avis exprimés dans ces conclusions sont celles des services du FMI et ne représentent pas nécessairement celles du conseil d'administration. Sur la base des observations préliminaires de cette mission, les services du FMI établiront un rapport qui, sous réserve de l'approbation de la direction générale du FMI, sera soumis à l'examen et à la prise de décision de son conseil d'administration.

Washington, DC: Une mission du Fonds monétaire international (FMI), dirigée par M. Jeffrey Franks, a effectué une visite virtuelle dans le pays du 19 au 30 octobre dans le cadre des consultations de 2020 au titre de l'article IV. À l'issue de cette visite, la mission a publié les conclusions ci-dessous.

Face à un choc économique sans précédent dû à la pandémie de COVID-19, les autorités françaises ont adopté une série de mesures d'aide d'urgence ambitieuses et souples et ont pris des mesures de relance supplémentaires pour 2021 et au-delà. Alors qu'une reprise économique vigoureuse s'amorçait au troisième trimestre, les perspectives se sont assombries en raison d'une deuxième vague d'infections et les risques de détérioration sont élevés. Des mesures de relance budgétaire supplémentaires, temporaires et bien ciblées, pourraient se révéler nécessaires en fonction de l'évolution de la situation. Les autorités doivent élaborer dès maintenant un plan crédible et ambitieux de rééquilibrage des finances publiques à moyen terme et le mettre en œuvre seulement une fois la reprise économique bien engagée. Les perturbations économiques dues à la pandémie offrent l'occasion de réorienter l'économie française afin de la rendre plus verte, plus inclusive et plus productive, notamment dans le prolongement de l’agenda de réformes du gouvernement.

Perspectives économiques

La France a été l'un des pays les plus touchés par la pandémie de COVID-19. Les autorités ont pris, à raison, des mesures de confinement rigoureuses à la mi-mars et le nombre de nouvelles infections a fortement diminué à la fin du mois d'avril. Les nouveaux cas de COVID-19 ont commencé à se multiplier en juillet. Depuis la mi-septembre, le nombre de nouveaux cas a dépassé le pic précédent de la fin mars. Si le nombre d'hospitalisations et de décès reste inférieur aux niveaux maximums enregistrés précédemment, il connaît également une tendance à la hausse. En réponse, le gouvernement a mis en place, pour la période du 30 octobre au 1er décembre, un nouveau dispositif de confinement qui touchera de nombreux secteurs de l'économie. Toutefois, les écoles resteront ouvertes.

Les répercussions économiques de la pandémie ont été considérables, mais les autorités ont pris des mesures de soutien fortes et souples. La France a subi l'une des plus fortes contractions économiques observées parmi les pays de l'Union européenne : elle a enregistré une baisse de l'activité économique de près de 19 % (en glissement annuel) au deuxième trimestre 2020. Sa balance courante s'est fortement détériorée, car les exportations ont chuté plus rapidement que les importations. Cette évolution s'explique par la gravité de la pandémie, l'ampleur et la durée du confinement et la place importante dans l'économie française des secteurs les plus touchés par la crise (notamment le tourisme, l'automobile et l'aérospatiale). Pour faire face à la crise, les autorités ont mis en place un vaste programme d'aide d'urgence, qui vise à soutenir les ménages et les entreprises en préservant les emplois et en fournissant des liquidités. La riposte a été rapide et souple : les mesures ont été rapidement adaptées à l'évolution de la situation au moyen de trois lois de finances rectificatives entre le 23 mars et le 31 juillet. L'aide est parvenue aux bénéficiaires visés grâce à un recours important aux prêts bancaires garantis par l'État et au dispositif d’activité partielle. Cela a permis de contenir une hausse du chômage et a favorisé un fort redressement économique au cours du troisième trimestre (hausse de 18 % par rapport au trimestre précédent).

Les perspectives économiques demeurent très incertaines. Même après le net rebond observé au troisième trimestre, l'activité économique reste inférieure aux niveaux d'avant la crise et la reprise fragile se heurte aux vents contraires de la deuxième vague de la pandémie. L’activité devrait reculer d'environ 10 % pour l'ensemble de l'année 2020 ; une contraction au quatrième trimestre devrait contrebalancer les résultats meilleurs que prévu du troisième trimestre. Pour 2021, les services du FMI prévoient une reprise partielle de [5-6] %, mais celle-ci dépendra de l'évolution de la pandémie et des mesures d'endiguement associées. La politique monétaire de la Banque centrale européenne, qui reste accommodante, et le plan de relance du gouvernement permettent d'apporter un soutien essentiel à l'activité économique. Ce plan vise à encourager une transformation verte et numérique, stimulera la capacité de production future au moyen d'investissements publics et privés et soutiendra l'emploi (aides à l'embauche, formation).

Les aléas sur les perspectives sont importants et orientés à la baisse. À court terme, les facteurs à prendre en considération restent principalement liés à l’évolution du virus. Du côté positif, si l’infection est complètement endiguée plus rapidement qu’anticipé, ou si un si vaccin ou un traitement efficace sont disponibles plus tôt que prévu, l’activité pourrait redémarrer sensiblement plus rapidement. Du côté négatif, une prolongation de la crise sanitaire jusqu'en 2021 pourrait retarder un redressement de l'activité économique. Des risques plus généraux, comme des conséquences du Brexit plus graves que prévu, un resserrement des conditions financières, une montée des tensions sociales et une accélération des tendances à la démondialisation pourraient également peser sur les perspectives économiques.

Continuer à fournir une aide budgétaire adéquate

Dans un contexte de seconde vague d'infections et de forte incertitude, il est légitime de continuer de fournir un appui budgétaire fort et souple. La réduction du déficit ne doit pas être une source de préoccupation tant que la crise persiste. À court terme, l'aide aux entreprises et aux personnes touchées devrait être renforcée si nécessaire, en particulier pour éviter que les mesures d'endiguement qui s'imposent sur le plan sanitaire n'entraînent une augmentation de la pauvreté et des inégalités. Une fois que la reprise aura gagné en vigueur, nous encourageons les autorités à passer progressivement d'une aide d'urgence transversale à un appui ciblé en faveur des secteurs les plus dynamiques de l'économie, tout en protégeant les groupes les plus pénalisés par la transition. Le plan de relance est une initiative pertinente à cet égard. Étant donné que l'espace budgétaire est restreint, toute nouvelle mesure expansionniste doit être bien ciblée et temporaire. Il convient d’éviter les réductions d'impôts ou augmentations de dépenses à caractère permanent ou de les accompagner de mesures compensatoires spécifiques afin de prévenir une accumulation de problèmes budgétaires supplémentaires une fois que la crise se sera estompée.

Une fois que la reprise sera bien engagée, un effort d'assainissement en dépenses sera nécessaire pour placer la dette sur une trajectoire descendante. Si les perspectives de taux d'intérêt exceptionnellement bas permettent de dégager un certain espace budgétaire, le niveau élevé de la dette de la France réduit la marge de manœuvre à moyen terme et accroît les risques budgétaires. Le calendrier et le rythme du rééquilibrage des finances publiques doivent dépendre de la situation économique et sa mise en œuvre ne devrait débuter que lorsque l’activité aura globalement retrouvé son niveau d'avant la crise et que les risques de dégradation se seront atténués. Il serait toutefois souhaitable d'en entamer dès à présent la planification afin de définir une trajectoire budgétaire crédible à moyen terme. Le plan de rééquilibrage devrait être axé sur des réformes budgétaires structurelles visant à rationaliser les dépenses courantes et à en accroître l'efficience.

Soutenir les entreprises et préserver la solidité du secteur financier

Pour assurer la reprise, il sera indispensable de renforcer les bilans des entreprises et de remédier aux risques d'insolvabilité. Les mesures d'urgence, notamment les prêts bancaires garantis par l'État, aident les entreprises à respecter leurs obligations, à constituer des réserves de liquidité, et à éviter les difficultés financières. Toutefois, l'apport de liquidités a entraîné une forte augmentation de la dette brute des entreprises au début de l’année 2020. Les pertes liées à l'activité dans plusieurs secteurs devraient être lourdes et durables dans le cas d’une reprise modérée. Une fois la phase aiguë de la crise passée, les autorités devraient réorienter leur action : plutôt qu’une garantie de l'État pour des prêts, elles devraient privilégier un renforcement des financements en fonds propres et quasi-fonds propres destinés aux entreprises viables, afin de stimuler l'investissement et le dynamisme des entreprises tout en réduisant les risques liés à un endettement excessif. Réduire les incitations fiscales qui favorisent l'endettement par rapport aux fonds propres devrait être considéré comme une mesure à moyen terme susceptible de contribuer à l’assainissement de la structure financière des entreprises. Une mise en œuvre rapide de la directive de l’Union européenne sur les restructurations (directive 2019/1023) permettrait d’accroître l'efficacité des procédures de restructuration des entreprises dans la situation complexe actuelle.

Le secteur bancaire est entré dans la crise avec de vastes coussins, mais il convient de continuer d’assurer une surveillance étroite de la qualité des actifs, surtout si la crise persiste. Le secteur a subi des pertes limitées au cours des deux premiers trimestres de cette année, mais a bénéficié d'une série de mesures prudentielles et monétaires. Ces mesures, associées à des coussins de fonds propres confortables avant la crise et à des garanties de l'État sur les nouveaux prêts bancaires, ont contribué à favoriser l'octroi de crédits au secteur des entreprises. Il faut toutefois rester vigilant, car la détérioration de la qualité des actifs due aux futures pertes des entreprises du secteur non financier pourrait représenter un risque pour la rentabilité déjà restreinte des banques, surtout si la crise sanitaire persiste. Les réductions temporaires des exigences de fonds propres et de liquidités et l'assouplissement règlementaire visant à soulager les emprunteurs solvables sont des mesures judicieuses, mais doivent rester temporaires et avoir une échéance fixée. La recommandation des autorités prudentielles de limiter la distribution de dividendes tant que certaines mesures de soutien sont en place est une démarche prudente qu’il convient de continuer de mettre en œuvre jusqu'à ce que le choc soit surmonté.

Vers une économie plus verte, plus productive et plus inclusive

Les perturbations économiques dues à la pandémie de COVID-19 et la riposte budgétaire massive des autorités offrent l'occasion de réorienter l'économie française. Les mesures prises permettent d’orienter la reprise vers des objectifs à long terme tels que le redressement de la faible croissance de la productivité, la poursuite des objectifs d'atténuation du changement climatique et une meilleure protection des groupes les plus vulnérables de la société (comme les jeunes et les travailleurs moins qualifiés).

Les mesures en faveur d'investissements verts riches en emplois, telles que celles prévues dans le plan de relance, sont particulièrement indiquées pour limiter les séquelles de la crise tout en rendant la reprise plus écologique. Le plan prévoit des investissements dans les secteurs des transports publics et du bâtiment, caractérisés par des besoins de modernisation considérables, mais aussi par de longs délais d'amortissement des investissements. Moyennant des incitations appropriées, les entreprises françaises pourraient, grâce à leur forte présence dans des industries telles que l'automobile, la production d'électricité et l'aéronautique, jouer un rôle de premier plan dans les domaines en plein essor de la production et du stockage d'énergie verte et du transport à zéro émission. À mesure que la reprise se confirmera, la France devrait continuer à mettre en œuvre des politiques vertes conformes aux engagements de l’accord de Paris sur le climat et aux initiatives européennes, notamment en matière de tarification du carbone. Cette démarche devrait s’accompagner de mesures compensatoires pour les ménages à faibles revenus afin d’en garantir l’acceptabilité sociale, tout en créant également un espace budgétaire permettant de réduire par ailleurs les impôts distorsifs, sans incidence sur les recettes.

La nécessité de stimuler la productivité, déjà d'actualité avant le ralentissement actuel, deviendra de plus en plus importante au cours de la phase de reprise, car les séquelles de la crise risquent de peser sur le potentiel de croissance. Les propositions des autorités visant à accélérer la transformation numérique de l'économie dans le cadre du plan de relance seront utiles à cet égard, mais des efforts supplémentaires devront être déployés dans les années à venir. Simplifier et moderniser davantage le système fiscal, notamment par une nouvelle rationalisation des impôts distorsifs pesant sur les entreprises, permettraient d'en améliorer l'efficacité. De nouvelles mesures de libéralisation des marchés des biens et des services peuvent également contribuer à stimuler la productivité, notamment des mesures favorisant la concurrence dans les professions réglementées, le commerce de détail et la vente de médicaments. Les mesures de marché visant à renforcer la compétitivité des entreprises françaises sur les marchés internationaux sont à saluer.

Les mesures prises doivent également avoir pour objectif de stimuler l'emploi, en particulier au sein des groupes vulnérables. La baisse du nombre d'emplois créés, sous l'effet du climat d'incertitude et de la persistance d'une activité morose, en particulier dans le secteur des services à forte intensité de main-d'œuvre, risque de faire augmenter le taux de chômage. L'effet proportionnellement plus fort de la crise sur les travailleurs peu qualifiés, en particulier ceux qui ne disposent pas de contrats à durée indéterminée, pourrait nuire à l'intégration des groupes vulnérables sur le marché du travail, ce qui menace les récents progrès accomplis pour résoudre ce problème déjà ancien. Une fois la reprise consolidée, il sera de plus en plus nécessaire d’encourager le travail en réorientant les aides versées de façon à faciliter l'établissement de nouvelles relations de travail dans les secteurs dynamiques. La reconversion des travailleurs en poste et l'intégration des groupes vulnérables sur le marché du travail sont des éléments déterminants à cet égard. Les conditions d'éligibilité et la générosité du dispositif d’activité partielle pourraient être progressivement restreintes. Il reste essentiel à moyen terme de poursuivre la mise en œuvre de réformes visant à réduire le chômage structurel et à accroître la participation au marché du travail.

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