Typical street scene in Santa Ana, El Salvador. (Photo: iStock)

(photo : Sultan Mahmud Mukut/SOPA Image/Newscom)

Bulletin du FMI : L’incertitude et des forces complexes pèsent sur la croissance mondiale

le 6 octobre 2015

  • Une croissance mondiale modérée et inégale est prévue : 3,1 % cette année et 3,6 % en 2015
  • Les pays avancés, d’une part, et les pays émergents et les pays en développement, d’autre part, connaissent des fortunes diverses
  • Les pays exportateurs de produits de base souffrent de la baisse des prix de ces produits

Dans son dernier rapport sur les Perspectives de l’économie mondiale, le FMI prévoit un ralentissement de la croissance mondiale par rapport à l’an dernier, avec un une accélération modeste dans les pays avancés et un ralentissement dans les pays émergents, principalement à cause d’un fléchissement dans plusieurs grands pays émergents et dans les pays exportateurs de pétrole.

Usine à cuivre au Chili : La baisse des cours du cuivre pèse sur les perspectives des pays émergents et des pays en développement exportateurs de produits de base (photo: Radius Images/Corbis)

Usine à cuivre au Chili : La baisse des cours du cuivre pèse sur les perspectives des pays émergents et des pays en développement exportateurs de produits de base (photo: Radius Images/Corbis)

PERSPECTIVES DE L’ÉCONOMIE MONDIALE

«Six ans après que l’économie mondiale est sortie de sa récession la plus large et la plus profonde de l’après-guerre, une expansion robuste et synchronisée à l’échelle mondiale reste hors d’atteinte», a déclaré Maurice Obstfeld, Conseiller économique du FMI et Directeur du Département des études.

«En dépit de différences considérables dans les perspectives de chaque pays, les nouvelles prévisions révisent à la baisse la croissance attendue à court terme de manière légère, mais presque généralisée. Par ailleurs, les risques de détérioration de l’économie mondiale semblent plus prononcés qu’il y a seulement quelques mois», a noté M. Obstfeld.

Le PIB réel mondial a progressé de 3,4 % l’an dernier et devrait augmenter de 3,1 % seulement cette année. La croissance devrait rebondir à 3,6 % l’an prochain (voir tableau).

Ces prévisions sont le résultat d’au moins trois forces puissantes a expliqué M. Obstfeld. Premièrement, la transformation de l’économie chinoise, par laquelle la croissance ne serait plus tirée par les exportations et les investissements, ainsi que l’industrie manufacturière, mais bien par la consommation et les services ; deuxièmement, et c’est un facteur connexe au premier, la baisse des prix des produits de base, et troisièmement, le relèvement attendu des taux d’intérêt aux États-Unis, qui peut avoir des répercussions à l’échelle mondiale et accentuer l’incertitude actuelle.

Dans cet environnement mondial, avec le risque d’une croissance faible pendant une période prolongée, le rapport souligne que les dirigeants doivent rehausser la croissance effective et potentielle.

La reprise est en bonne voie dans les pays avancés

La croissance dans les pays avancés devrait s’accélérer de manière modeste cette année (2 %) et l’an prochain (2,2 %). Pour l’année en cours, l’accélération tient principalement à un affermissement de la reprise modeste dans la zone euro et à un retour à une croissance positive au Japon, grâce à la baisse des prix du pétrole, à des politiques monétaires accommodantes et à l’amélioration des conditions financières, et, dans certains cas, à des dépréciations monétaires.

Si la croissance devrait s’accélérer en 2016, en particulier en Amérique du Nord, les perspectives à moyen terme restent en demi-teinte, du fait de la combinaison d’une baisse de l’investissement, d’une évolution démographique défavorable et d’une faible croissance de la productivité.

La croissance ralentit dans les pays émergents et les pays en développement

Les perspectives de croissance dans les pays émergents et les pays en développement varient d’un pays et d’une région à l’autre. Mais les perspectives en 2015 se détériorent généralement : la croissance pour ce groupe de pays devrait tomber de 4,6 % en 2014 à 4,0 % en 2015.

Cette cinquième année consécutive de ralentissement tient à une combinaison de facteurs : fléchissement de la croissance dans les pays exportateurs de pétrole, ralentissement en Chine avec un recours moindre aux investissements à forte intensité de produits de base, ajustement après les fortes expansions du crédit et de l’investissement, et dégradation des perspectives pour les pays exportateurs d’autres produits de base, notamment en Amérique latine, après les reculs des prix à l’exportation. En outre, les tensions géopolitiques et les troubles internes dans plusieurs pays restent considérables, et ont des coûts économiques et sociaux immenses.

Les conditions extérieures deviennent plus difficiles pour la plupart des pays émergents. La perspective d’une hausse des taux d’intérêt américains et l’affermissement du dollar contribuent déjà à une augmentation du coût de financement pour certains emprunteurs, parmi lesquels des pays émergents et des pays en développement. Par ailleurs, si le ralentissement de la croissance en Chine est jusqu’à présent conforme aux prévisions, ses répercussions internationales semblent plus marquées que prévu, notamment sous la forme d’un recul des prix des produits de base et des importations.

Le rebond attendu de la croissance dans les pays émergents et les pays en développement en 2016 s’explique donc non pas par un redressement général, mais bien principalement par une récession moins profonde ou une normalisation partielle des conditions dans les pays qui ont connu des difficultés économiques en 2015 (dont le Brésil, la Russie et quelques pays d’Amérique latine et du Moyen-Orient), les répercussions de l’accélération de l’activité dans les pays avancés et l’assouplissement des sanctions contre la République islamique d’Iran.

Dans les pays en développement à faible revenu, la croissance devrait tomber à 4,8 % en 2015, contre 6 % en 2014, en grande partie à cause de la mollesse des prix des produits de base et de la perspective d’un durcissement des conditions financières mondiales. Quelques pays (par exemple, la République kirghize et le Mozambique) dégagent des déficits courants élevés, grâce à un accès facile à l’épargne étrangère et à l’abondance des investissements directs étrangers, surtout dans les pays riches en ressources naturelles, et sont donc particulièrement vulnérables à des chocs financiers externes.

Les risques de détérioration augmentent

Étant donné la distribution des aléas qui pèsent sur les perspectives à court terme, la croissance mondiale devrait être inférieure plutôt que supérieure aux prévisions. Le rapport souligne plusieurs changements importants qui pourraient entraver la reprise mondiale :

La baisse des prix du pétrole et d’autres produits de base, qui, même si elle profite aux pays importateurs de produits de base, complique les perspectives des pays exportateurs de produits de base, dont certains font déjà face à une situation initiale difficile (par exemple, Russie, Venezuela, Nigéria).

Un ralentissement plus marqué que prévu en Chine, si le rééquilibrage attendu, au profit d’une croissance davantage fondée sur le marché et tirée par la consommation, s’avère plus difficile que prévu.

Des variations perturbatrices des prix des actifs et une nouvelle augmentation de la volatilité des marchés financiers pourraient entraîner une inversion des flux de capitaux dans les pays émergents. Par ailleurs, un regain d’inquiétude quant au potentiel de croissance de la Chine, à l’avenir de la Grèce dans la zone euro, à l’impact d’une forte baisse des prix du pétrole et aux effets de contagion pourrait accroître la volatilité des marchés.

• Une nouvelle appréciation du dollar américain pourrait représenter des risques pour les bilans et le financement des pays débiteurs en dollars, en particulier certains pays émergents, où la dette des entreprise en monnaies étrangères a augmenté considérablement ces dernières années.

La montée des tensions géopolitiques en Ukraine, au Moyen-Orient ou dans certaines parties de l’Afrique pourrait peser sur la confiance.

Mettre à niveau les politiques pour éviter les pièges de la croissance faible

Le rapport souligne qu’il doit rester prioritaire d’accroître la production effective et potentielle. Il s’agira à la fois de soutenir la demande et d’opérer des réformes structurelles.

Dans les pays avancés, il reste essentiel de mener une politique monétaire accommodante, complétée par des outils macroprudentiels qui permettent de limiter les risques dans le secteur financier. Les pays qui ont les moyens d’opérer une relance par voie budgétaire, comme l’Allemagne, devraient les mettre en œuvre pour accroître l’investissement public, en particulier dans des infrastructures de qualité.

Les réformes structurelles sont bien entendu propres à chaque pays. Mais de manière générale il s’agit d’accroître le taux d’activité, de faciliter l’ajustement du marché du travail, de s’attaquer au surendettement hérité de la crise et de réduire les obstacles à l’entrée sur les marchés de produits, en particulier des services.

Beaucoup de pays émergents ont accru leur résilience aux chocs extérieurs. Grâce à un assouplissement du taux de change, à une augmentation des réserves de change, à un recours accru à l’investissement direct étranger et au financement extérieur en monnaie locale, ainsi qu’à un renforcement général des cadres d’action, beaucoup de pays sont maintenant mieux placés pour gérer une plus grande volatilité.

Néanmoins, dans un environnement externe plus complexe, les pays émergents et les pays en développement font face à un arbitrage difficile, à savoir soutenir la demande sur fond de ralentissement de la croissance effective et potentielle tout en réduisant la vulnérabilité. La marge d’assouplissement de la politique économique varie considérablement d’un pays à l’autre, selon la situation macroéconomique et la sensibilité aux chocs sur les prix des produits de base, ainsi que la vulnérabilité extérieure, financière et budgétaire.

Par exemple, les pays exportateurs de produits de base doivent s’ajuster à la baisse des recettes tirées de ces produits — de manière graduelle s’ils ont constitué des amortisseurs pendant la forte hausse des cours et plus rapidement dans le cas contraire. Dans les pays exportateurs de produits de base qui appliquent un régime de change flexible, une dépréciation de la monnaie peut contribuer à atténuer l’impact d’une détérioration des termes de l’échange sur la demande. Cependant, de fortes variations des taux de change peuvent aussi accentuer la vulnérabilité liée au niveau élevé de l’endettement et des engagements en monnaies étrangères des entreprises. La politique de change ne doit donc pas perdre de vue les considérations relatives à la stabilité financière. Par ailleurs, les pays doivent diversifier leur économie. Des réformes structurelles ciblées visant à accroître la productivité et à éliminer les obstacles à la production peuvent aider les pays à diversifier leurs secteurs exportateurs.

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